A. K.

La vie en trois langues

Pendant qu’elle traduit « La République de l’imagination » d’Azar Nafisi, Marie-Hélène Dumas rédige un journal auquel elle confie ses impressions, ses réflexions sur la traduction, ses lectures et ses souvenirs. Ce très riche journal aborde ainsi les langues dans une perspective intime, culturelle et politique.

Marie-Hélène Dumas nous guide d’abord dans son expérience de la traduction, son travail quotidien, ses rituels et ses mouvements – car la traduction est aussi une affaire de corps. L’importance du mot, des lectures, la saisie du sens du texte, le rapport à l’écriture et la liberté du traducteur sont autant de questions attendues et abordées dans le texte. L’expérience professionnelle de la traduction entraîne un rapport privilégié à l’anglais, mais les langues sont envisagées de manière plus générale.

La temporalité du texte s’épaissit en effet avec l’évocation en creux d’une autre langue, celle des origines : le russe. Le journal aborde alors le domaine de l’intime, mais aussi de l’Histoire. Les fragments de souvenirs de la narratrice, originaire d’une famille d’immigrés russes, mènent tout naturellement aux grands événements historiques du 20e siècle, de la révolution de 1917 à la seconde guerre mondiale. Cette quête des origines, à travers le personnage de la mère Lydia, est traversée par un questionnement sur l’identité, au niveau personnel et familial, mais aussi politique. Le rapport à l’espagnol de sa jeunesse enfin est là encore prétexte à l’évocation de souvenirs et de voyages.

Ce texte – au croisement du journal intime et de l’essai – constitue un bel hommage à l’exercice de la traduction. Il met en valeur la profondeur du travail sur la langue et sa résonance intime. Traduire, nous dit la narratrice, c’est lire, c’est écrire, mais c’est aussi vivre.

La petite revue