Cathy Bernheim

C’est un tout petit livre au regard des gros volumes dont Françoise Basch nous a donné l’habitude de voir publiés sous son nom, mais ce n’est pas le moindre de ses livres. Un indice : les cinq années mises à rassembler ces écrits, on pourrait dire ses esprits, pour trouver le juste ton. La matière est riche par le caractère à la fois exceptionnel et tristement banal d’une famille juive en fuite dans un état antisémite, unie par un drame familial au tout début de la guerre et disloquée par les lois de son époque. Jusqu’au drame final : le meurtre des grands-parents, Ilona et Victor Basch, par la milice de Vichy.

Cette histoire, à la fois personnelle et publique, Françoise Basch l’a déjà explorée dans de précédents ouvrages (voir Bibliographie), avec la minutie de l’historienne et l’obstination révoltée de la démocrate. Mais ici, renouant avec ses recherches sur l’histoire des femmes, elle prend pour base documentaire une toute autre source : celles des lettres échangées par sa mère, Marianne Basch, avec divers membres de sa famille dans cette période critique.

Dans ce livre, on entend la voix de cette femme intrépide et combative raconter à ses proches le quotidien d’une existence de fugitifs. Mais on entend aussi sa fille, Françoise, qui trouve enfin la distance nécessaire pour rester fidèle à l’enfant qu’elle était tout en prenant conscience de ce qu’elle ignorait : le choix courageux de sa grand-mère, l’œil aigu et tendre à la fois de sa mère, et l’alliance de ces deux femmes pour assurer sa survie et celle de son frère. Ce texte précieux à bien des égards l’est aussi par sa démarche même, et la bravoure qu’il a fallu à son auteur pour regarder en arrière et nous donner quelques clefs pour faire le lien entre histoire personnelle et histoire tout court.

Re-Belles