Heval Kani

Quel lien entre féminisme et géopolitique m’a-t-il demandé en voyant cet ouvrage? Le lien n’est pas si évident, en effet, pour celles et ceux qui ne pensent pas le statut des femmes, ne réfléchissent pas à l’évolution de leur condition de vie; pour celles et ceux qui ne sont pas habitués à interroger le rapport entre la société et ce fameux « deuxième sexe ». Ce livre, résumé d’une conférence organisée à Paris en 2010, est-il donc fait pour eux? Favorise-t-il la compréhension? Tisse-t-il convenablement le lien entre gépolitique et féminisme? La réponse aurait été plus efficace si elle venait de mon fiancé moins familier avec les thèmes évoqués. Pour moi, féministe convaincue, le lien est parfaitement tissé, le propos n’est pas à contester. Les changements économiques, politiques et sociales s’imposent aux féministes qui sont obligées de les prendre en considération pour penser l’émancipation des femmes. C’est la Chute du Mur de Berlin, la Révolution dite islamique en Iran, l’émergence de nouvelles puissances, l’évolution des rapports entre le Nord et le Sud, la mondialisation économique, le capitalisme financier brutal et meurtrier; c’est l’immigration et son rejet, la montée en puissance du religieux et son ambition politique problématique parce que démesurée. Ce sont des questions qui s’immiscent dans le débat intellectuel, politique et académique des féministes parce qu’elles interrogent les droits et libertés des femmes, parce qu’elles menacent les droits acquis, parce qu’elles prennent toujours en otage le corps féminin, objet de toutes les inquiétudes, de toutes les préoccupations. La vigilance oblige les féministes à reposer les termes du débat, à révéler les nouveaux mécanismes qui permettent encore et toujours la domination culturelle, politique, économique et sociale. Car s’il y a bien quelque chose qui n’a pas changé dans ce monde que l’on dit en constante évolution, c’est la représentation qui se fait de la femme, toujours objet mais progressivement sujet. Et l’ouvrage le montre avec efficacité. Sur la scène internationale – et bien sûr nationale – le statut des femmes est souvent un bon prétexte pour faire avancer des pions sur un échiquier autrement plus important que celui de l’émancipation des femmes. Mais comme l’écrit bien, en conclusion, Geneviève Fraisse, « Oui, l’on se sert de nous et de notre libération. A nous d’être les plus fortes, « à ruse, ruse et demie », disais-je. Est-ce que cela ne s’appelerait pas, justement le politique? ». 

Kanimezin