Brigitte Aubonnet

Le titre de cet essai révèle un combat de longue date. En effet, Éliane Viennot qui est historienne revient sur les périodes où le féminin des accords, des noms de métiers, des pronoms… existait mais a entraîné la réaction de nombreux hommes pour que le masculin l’emporte sur le féminin alors qu’aucune raison valable ne le justifie. Il est intéressant de voir comment l’histoire peut contredire certaines affirmations : « Ce petit livre voudrait montrer que, pour l’essentiel, les problèmes que nous rencontrons avec le « sexisme de la langue française », ne relèvent pas de la langue elle-même, mais des interventions effectuées sur elle depuis le XVIIe siècle par des intellectuels et des institutions qui s’opposaient à l’égalité des sexes ; et que, pour l’essentiel aussi, les solutions que nous cherchons à ces problèmes existent déjà. Les solutions linguistiques, s’entend. »

En fait, Éliane Viennot montre qu’il ne s’agit pas de féminiser la langue mais de mettre fin à sa masculinisation.

Au fil des siècles, bien des femmes se sont battues pour faire valoir leurs droits et leurs compétences, « plusieurs gouvernantes françaises ont à leur tour fait écrire « l’histoire des femmes », de manière à détricoter l’argumentaire des incapacités féminines bâti par les misogynes, et à fournir à leurs contemporains des modèles de femmes puissantes et  légitimes. » Marguerite de Navarre a publié ses écrits, à partir de 1530, qui ont  beaucoup dérangé la Sorbonne. Éliane Viennot rappelle le rôle essentiel qu’elle a joué dans le combat des femmes et contre l’influence de la loi salique qui a instauré que « toutes les femmes sont soumises à leur mari, même les reines. »

Tout a été fait en France pour écarter les femmes du pouvoir. La réussite des femmes dans la politique ou la littérature gênait beaucoup d’hommes qui ont tout fait pour instaurer des lois, des règles grammaticales et syntaxiques, des préjugés qui dévalorisaient les femmes et leur retiraient toute légitimité.

« Le masculin l’emporte sur le féminin » est une règle que l’école continue à répéter à tous les écoliers. Éliane Viennot démontre que l’histoire de la langue prouve le contraire et que cela correspond à la décision de certains hommes qui veulent à tout prix lutter contre l’influence que pourraient avoir les femmes, par peur peut-être de se voir déposséder de leur propre pouvoir ?

C’est un ouvrage riche d’exemples linguistiques, historiques, avec des citations de différents points de vue, qui permet d’éclaircir le positionnement de chacun.

Encres vagabondes