Catherine Portevin

Cet Ulysse Riveneuve pourrait bien, à la fin de son odyssée politique, nous faire perdre le Nord. Tout a commencé par une idée étrangement simple… et plutôt rusée : supprimer la mention du sexe dans l’inscription à l’état civil. Avec comme conséquence la fin de la guerre des sexes, de l’inégalité hommes/femmes, des batailles de genres. La République, de même qu’elle ne reconnaît aucune distinction de race, de religion ou de classe au nom de l’égalité des citoyens, se rendrait neutre sur le seul et dernier critère discriminant qu’elle consigne. C’est donc avec cette unique idée pour programme qu’Ulysse Riveneuve, à son corps défendant, se retrouve candidat à l’élection présidentielle qu’il finit par emporter. Thierry Hoquet, qui aime presser les concepts (en 2011, il a publié au Seuil une très sérieuse Cyborg Philosophie), a imaginé cette fiction en guise d’expérience de pensée… ou d’hypothèse de travail. Il a tenu un journal de campagne aussi déjanté que réfléchi des débats enfiévrés d’Ulysse avec les religieux, les psys, les médecins, les notaires, les profs, les fabricants de jouets, les philosophes, les féministes, les machistes, etc. En plaidant pour l’effacement politique du sexe, et non contre la différence des sexes, Sexus nullus, ou l’égalité (Éd. ixe’ prime, 171 p., 17 €) déstabilise les socles de l’argumentaire habituel : sur le tout-biologique vs. le tout-culturel, la parité, la discrimination positive, etc. Aller contre, comme on prend le vent vers des rivages inconnus, c’est le mérite de ce petit livre facétieux. Une fois rentrés à quai, on se demande quand même pourquoi les utopistes d’un nouveau genre humain rêvent tant d’un monde sans sexe…

Philosophie magazine