Didier Epsztajn

La narratrice chancelle entre « elle » et « je », entre cette langue si bien parlée « Cauchemar de parler cette langue, cauchemars de la parler à merveille, sans trouver le moyen d’enfoncer un coin » et les mots non dits.

Entre être et discours, sans accepter la présentation qui transforme « une victime réelle en flaque, en merde, en pauvre fille effondrée dans le ruisseau… », entre discours aux autres et réflexions sur soi « Je n’étais pas ce qu’on appelle une femme battue au sens strict. Je l’avais été un peu, quelques mois, le temps de divorcer ».

Au nom de « cet innommable machin », cette passion amoureuse littéralement et socialement glorifiée, elle transige, recule, se détruit jusqu’au jour où…

Alors « Elle ne porte pas plainte, ne plaide pas le divorce pour faute, n’exige pas non plus de pension alimentaire décente. Le cou raide, le port droit, le regard fixe. Ne voyant rien, pas plus les magasins de la rue des Francs-Bourgeois que les gens dans l’autobus. Aveugle aux autres, à ces couleurs qui ont mal tourné. Désintégrée mais tenant ferme. L’image même d’une femme forte. » 

Justement pour en parler, n’hésitez pas à offrir ce grand court-roman, pour les fêtes de fin d’année ou sans motif. La vitalité des mots, des phrases, mais non des « discours prêts-à-porter », comme une mémoire, pour qu’enfin des portes soient entrouvertes.

Loin de la médiocrité et l’autosuffisance de tant d’écrivaillon-ne-s, pour se dé-river des affiches, pour approcher « cet imaginaire suintant les coups », et sentir comment ce « chaos » se maquille, pour saisir le regard qui « touche encore au fond du trou » et aussi pour rencontrer celle qui « sait dire ce qu’elle veut, ce qu’elle refuse », se promener avec Lul et les lumières de la peinture.

Entre les lignes entre les mots