Yannick Chevalier

Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, qu’Eliane Viennot vient de faire paraître aux Éditions iXe, est une lecture bienvenue pour quiconque s’est affligé de la pauvreté des discours des tracts politiques qui nous ont été distribués lors des élections municipales : alors même que la loi impose désormais l’alternance stricte des femmes et des hommes, les communicant·e·s et rédacteur·e·s continuent à s’exprimer au masculin dit générique. Certes, il y a bien quelques « candidat-e-s », « candidat(e)s », voire « candidat/es », mais le compte n’y est pas : le masculin semble suffire à beaucoup de nos concitoyen·nes pour désigner l’entier de l’humain et si personne n’ose aujourd’hui dire que le masculin l’emporte sur le féminin (quoique…), force est de constater qu’on ne le dit pas, mais qu’on le fait dire.

Le petit livre d’Eliane Viennot, petit par le nombre de page, mais grand par les thèses qu’il expose avec humour et véhémence (ce qui n’est pas incompatible), vient utilement nous rappeler que cette présence quasi exclusive du masculin grammatical n’a pas toujours été la norme du français, que d’autres usages de notre langue ont été possibles et attestés, et que ce n’est pas sans réticence et résistance des sujets parlants que s’est progressivement imposée l’entreprise de « masculinisation de la langue ».

Cette formule de « masculinisation de la langue » qu’emploie Eliane Viennot à plusieurs reprises est, à première lecture, très choquante, mais la démonstration s’appuie sur des faits avérés, sur des citations précises, et emporte l’adhésion des lecteur·es : c’est tout notre
imaginaire linguistique qui se trouve éclairé par ces pages.

Lettre Genre, Recherche et Éducation